Les enfants des étoiles

L’éducation est l’arme la plus puissante qui soit pour changer le monde – Nelson Mandela

Genèse…

PermacultureDepuis le début, nous nous sommes impliqués dans le monde de l’enfance et de l’éducation. En premier lieu parce que le cadre s’y prête, mais surtout dans un esprit de cohérence avec la vocation du lieu de contribuer à un monde meilleur. Nous avons ainsi mené différentes actions qui nous ont permis de tisser des liens avec tout un réseau à la fois local (parents, animateurs…) et national, et de mieux appréhender les enjeux de l’éducation :

  • Des ateliers enfants en période de vacances scolaires (land art, art vocal et rythmique, le monde des amérindiens, la permaculture, fabrication d’instruments de musique, peinture végétale, danse africaine, modelage…)
  • Des ateliers de parentalité positive (pédagogie positive et mind mapping, Faber et Maslish…)
  • La projection de documentaires relatifs au monde de l’éducation (« Quels enfants laisserons-nous à la planète », d’Anne Barth, « Etre et devenir » de Clara Bellar, « Une idée folle » de , Judith Grumbach, « Le cerveau des enfants » de Stéphanie Brillant, « L’autre connexion » de Cécile Faulhaber…)
  • Les rencontres du printemps de l’éducation le 30 octobre 2015, qui ont rassemblé une centaine de personnes dans le but de présenter les pratiques bienveillantes déjà mises en œuvre sur le territoire, et de fédérer les acteurs locaux
  • L’accueil d’écoles alternatives en séjour woofing (comme l’Ecole Dynamique en décembre 2015)
  • Une offre de sortie scolaire éco-responsable à destination des écoles publiques

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Nous-mêmes parents de deux enfants, il nous est apparu comme une évidence intérieure que le prolongement naturel des activités de l’arbre aux étoiles était la création d’une école alternative, qui n’existait pas sur le territoire à moins de 80 km (Caen ou Rouen). Passionnés par le sujet de la pédagogie, nous avons exploré différentes approches alternatives (Livingschool, les Amanins, Montessori, Eudec…). La rencontre avec la permaculture d’une part et la philosophie des Indiens Kogis de l’autre, nous ont permis de murir une vision et un projet, qui matérialise à nos yeux la synthèse de ces différentes approches dans ce qui au fond les réunit : le caractère sacré de la nature, c’est-à-dire ce qui nous dépasse et donne du sens…

Le modèle Sudbury propre aux écoles démocratiques nous a donné le cadre à partir du quel le projet d’école a officiellement été lancé en octobre 2016.

Notre vision…

  • une école dans la nature, le meilleur laboratoire qui soit
  • une école démocratique et qui fait la part belle aux apprentissages autonomes, dans un cadre stimulant
  • une école de la vie, au contact du monde extérieur sous la forme de sorties, de projets, d’interventions métiers…
  • une école hors contrat, laïque, ouverte 4 jours par semaine

Approche pédagogique…

Le projet reposait sur les principes pédagogiques suivants:

  • une pédagogie active
  • une pédagogie positive
  • une pédagogie interdisciplinaire
  • une pédagogie coopérative
  • une pédagogie adaptée au rythme de l’enfant et aux différentes formes d’intelligence
  • une pédagogie globale et équilibrée entre des activités « cerveau gauche » et « cerveau droit »
  • une pédagogie participative (avec notamment l’implication des parents)
  • une pédagogie évolutive (sans dogmatisme pédagogique)

Objectifs…

La question qui sous-tend les objectifs de l’école est le celle du rapport que nous entretenons avec la nature. Ainsi, les objectifs de l’école se définissent de la manière suivante:

  • Remettre la nature au centre de notre univers
  • Renaturer nos esprits
  • Réenchanter la Nature et par là-même, la vie
  • Comprendre la place de l’homme dans cet ensemble
  • Assurer l’harmonie du vivant, dans un rôle de gardiens (et non de maîtres), et dans un rapport de sujet à sujet (et non de sujet à objet)
  • … pour finalement se raccorder à notre propre nature, développer nos qualités humaines et comprendre qui on est
  • Apprendre à vivre ensemble dans la paix et à trouver sa place
  • Trouver l’harmonie intérieure
  • Etre heureux et transmettre…
  • Et finalement boucler la boucle

Il ne s’agit pas simplement d’une éducation à la nature ou à l’environnement, qui se limiterait à proposer un cadre naturel propice à l’acquisition de connaissance sur le vivant et au respect de la biodiversité. Il ne s’agit pas non plus d’une école à la ferme. Il s’agit davantage d’une éducation par la nature, dans la nature et avec la nature : si l’on apprend à l’écouter et à l’observer, si l’on travaille de concert avec elle, si l’on fait corps avec elle, à la manière des indiens Kogis qui apprennent à fusionner avec un état (une averse, une maladie…) pour mieux l’assimiler, l’on prend conscience que toute chose est reliée à un tout plus large qui lui donne son sens et sa signification. Un peu comme une vague qui plutôt que de penser qu’elle est née et qu’elle va mourir se voit comme l’océan qui entoure tous les continents, pour reprendre une image d’Arnaud Desjardins.

Le territoire est un véritable livre ouvert qui nous relie au monde et à notre histoire collective, dont les arbres, les pierres et les rivières sont les rappels vivants. Si l’on adopte une posture de questionnement, qui privilégie le pourquoi (et non le comment), et si l’on accepte d’élargir son possible et d’explorer des mondes au-delà de celui de ses recherches, alors la nature nous donne toutes les réponses (et les serendipités et synchronicités sont là pour en témoigner).

Elle nous fait comprendre aussi que ce qui est clé dans la vie, ce ne sont pas les objets ou les sujets mais les relations entre les objets/sujets. Ou encore que la notion de faute n’existe pas, qu’il n’y a que des déséquilibres à rétablir. Elle nous permet de trouver l’équilibre entre les différents archétypes, qui selon Pierre-Yves Albrecht, composent notre personne : le paysan, le chevalier et le mage.

Or les enfants ont par nature cette empathie avec le vivant, dans leur cœur et dans leur esprit. Il faut donc leur faire confiance, leur laisser la parole afin qu’ils expriment cette connexion qu’ils ont réellement au fond d’eux, plutôt que d’exprimer au fond ce que les adultes attendent d’eux.

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L’intelligence humaine n’a pas de meilleure école que celle de l’intelligence universelle qui la précède et se manifeste dans la moindre petite plante, dans la diversité, la complexité, la continuité du vivant – Pierre Rabhi

L’école Champ libre…

Après deux années très intenses de montage de projet, l’école Champ Libre a finalement ouvert ses portes le 24 septembre 2018 sur la commune de Saint Sulpice de Grimbouville à 15 km de l’arbre aux étoiles, avec 18 enfants agés de 3 à 15 ans.

Montage du projet

Ce furent deux riches années :

  • d’efforts non ménagés et de persévérance
  • de rebondissements (sur le lieu d’implantation de l’école notamment),
  • de méandres administratifs pour la création de l’école (avec la loi Gatel passée en avril 2017 qui ne nous a pas simplifié la tâche)
  • de recherches de subventions (merci à Nature et Découvertes pour son soutien de la première heure qui a permis l’impulsion du projet et à la région Normandie pour son soutien au titre du dispositif Emergence ESS)
  • de communication intense pour fédérer une communauté de familles intéressées par le projet
  • de tensions parfois aussi, car la vie d’un projet associatif n’est pas simple..

Et maintenant ?

Depuis l’ouverture de l’école en septembre 2018, nous avons pris nos distances puisque Maÿlis n’avait pas vocation à travailler au sein de l’école, et aspirait à se recentrer sur ses activités professionnelles et personnelles. Depuis l’assemblée générale du 14 septembre 2018, elle n’assume donc plus la présidence de l’association « Les enfants des étoiles » créée pour y loger le projet d’école. Par ailleurs, la gouvernance de l’école est de fait assurée par les membres du collectifs (enfants et adultes facilitateurs) qui y vivent au quotidien.

Le discours de la présidente sortante le jour de l’ouverture

Aujourd’hui, c’est le premier jour de la rentrée. C’est un jour qu’on a tous attendus depuis longtemps, depuis 3 ans pour ma part depuis que j’ai eu cette idée une peu folle de créer une école à l’automne 2015.

Ce jour J, on en a rêvé tous ensemble (d’ailleurs je me suis amusée à relire l’école de nos rêves), et il est enfin là. Alors c’est avec beaucoup d’émotions que je prononce ces quelques mots devant vous, d’abord parce qu’on a réussi, et aussi parce que pour moi une page se tourne puisque la présidence de l’association revient maintenant à Céline depuis l’AGE de la semaine dernière. Cette école, c’est un peu comme un troisième accouchement, sauf que je n’aurai pas charge d’âme puisque l’école entre désormais dans un autre mode de gouvernance dans lequel le président est peu acteur puisque c’est le conseil d’école qui gouverne l’école. Et donc, ce peut être un peu frustrant il faut bien l’avouer !

Dans cette phase de transition, j’ai à cœur de partager les valeurs qui m’ont inspirée au démarrage du projet en février 2016 lorsque je répondais à l’appel à projet Nature et découvertes et qui j’espère continueront à l’animer:

La connexion à la nature

Dès l’origine j’ai souhaité une école qui incarne le respect de la nature, une nature à laquelle les humains appartiennent dans une relation sujet à sujet, une nature enseignante, une nature animée, qui renature nos esprits et réenchante nos vies, pour nous permettre de comprendre notre place dans cet ensemble, et de l’occuper à bon escient.

D’ailleurs, cette date de rentrée qui s’est trouvée décalée au 24 septembre n’est peut-être pas totalement étrangère à ce qui se joue ici puisque c’est le lendemain de l’équinoxe d’automne. Or dans le cycle de la nature, bien éloigné du calendrier grégorien, l’équinoxe d’automne marque le début du cycle annuel. Après les récoltes de l’été, la terre se prépare pour un nouveau cycle qui démarre…

Le beau

Pour moi, le beau est davantage qu’un souci esthétique, le beau est la matérialisation de l’amour dans la matière, un appel à donner le meilleur de soi, la recherche de l’harmonie sur les différents plans.

L’ouverture et le pragmatisme

Pour ne jamais céder au dogmatisme et à la tentation de se croire détenteur du meilleur modèle. J’appelle de mes souhaits une école qui sache évoluer et qui jamais ne soit figée. N’oublions jamais que tout est changement, et continuons de nous laisser inspirer. Ne confondons jamais les outils avec les valeurs que ces outils soutiennent.

La responsabilité

En tant qu’adultes, nous ne sommes pas supérieurs aux enfants, mais en revanche nous avons accès à des informations auxquels ils n’ont pas accès encore, ce qui nous confère une certaine responsabilité vis-à-vis d’eux et vis-à-vis de la société dans laquelle nous évoluons. C’est dans cet esprit que j’ai porté ce projet, comme un engagement pour se doter de structures nouvelles au service du renouveau sociétal et environnemental. Cela se traduit entre autres choses par une démarche écologique (et notamment l’utilisation raisonnée des ressources naturelles) et par la création d’une communauté autour de ce projet, bien au-delà de la fonction «école ». Pépinière, micro-village, lieu de vie sont d’ailleurs des termes qui avaient été énoncés lors de l’étude faite par Iris consulting en janvier 2017.

On pourrait continuer comme ça encore longtemps tant il y aurait de choses à dire. Je pense aussi à d’autres valeurs que sont :

  • La joie, l’enthousiasme et le rire, pour vibrer
  • La foi, pour surmonter ses peurs
  • La liberté, pour entreprendre
  • La confiance, pour avancer
  • Le partage, pour aimer

Pour conclure, je voudrais remercier toutes les parents qui nous ont fait confiance depuis le début de ce projet et sans qui cette école n’existerait pas.

Je remercie aussi tous ces enfants d’être qui ils sont et de ne pas s’être résignés au modèle dominant qui leur était proposé. Ils sont à mes yeux les pionniers du nouveau monde que nous avons à construire ensemble.

Je remercie ce territoire et ses élus d’avoir fait une place à ce projet innovant et questionnant.

Je remercie Céline de m’avoir fait connaître le modèle Sudbury Valley School au moment où j’explorais différents modèles à la recherche de celui qui serait le plus adapté à ce projet. Le modèle SVS, si structuré qu’il soit, m’est apparu comme un véritable changement de paradigme en profondeur, et celui qui laisserait le plus de liberté au collectif pour évoluer de manière organique.

Je remercie Emilie d’avoir été l’une des premières à rejoindre le projet, et d’avoir tenu son engagement jusqu’au bout et sans faille. Je remercie sa justesse et son sens de l’humour délicieux qui m’a si souvent fait décompresser. Je ne voudrais pas oublier non plus JC !

Je remercie Caroline pour l’engagement et les risques qu’elle a pris, et la passion qui l’anime. Je suis certaine qu’elle pourra faire valoir ses nombreuses qualités auprès des enfants.

Je remercie tous les contributeurs de la première heure à la dernière ligne droite qui vient de se jouer, une véritable course contre la montre où chacun a fait sa part en fonction de ses compétences et de sa bonne volonté. Un grand merci en particulier à Stéphane, Maïté, Anne, les familles Petrault, Lepillié, de Boissieu, et Marie, Stéphanie, Kelly et Enrique, Emmanuelle, Pauline, Naïade… Et pardon pour ceux que j’oublie…

J’adresse aussi une pensée à Christelle qui n’est pas parmi nous aujourd’hui mais le sera bientôt et je m’en réjouis. Je ne doute pas qu’elle se soit connectée ce matin à distance avec nous !

Je remercie Cyril et mes enfants de m’avoir soutenue dans ce projet qui n’a pas été sans impact sur notre vie de famille, en termes de disponibilité et de fatigue. Je voudrais dire aussi que ce projet m’a été directement inspiré par l’expérience de mes enfants à l’école, et qu’ils y ont donc mis un peu d’eux même s’ils ont choisi de rester avec leurs copains de classe…

Désolée si mon discours d’adultes n’est peut-être pas très adapté aux enfants qui sont ici et qui sont les vraies vedettes du jour !

Je souhaite bon vent à Champ libre et à tous ses membres !




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